Conseils et Stratégies pour les hôpitaux pour faire face à la pénurie de médecins intérimaires

Introduction
La rémunération des médecins intérimaires connaît actuellement une baisse significative, fixée à 1390 euros bruts, par rapport à des salaires antérieurs qui pouvaient atteindre jusqu’à 4000 euros pour l’interim medical. La cause ?
L’entrée en vigueur de la loi Rist le 3 avril 2023 qui restreint la possibilité pour les médecins intérimaires intervenant sporadiquement dans les hôpitaux publics de négocier le tarif de leur journée d’activité.
Conçue pour mettre un terme à la surenchère tarifaire et aux abus constatés, cette mesure a engendré le départ d’une partie de ces professionnels de la santé, ce qui fragilise encore plus un système de santé loin d’être irréprochable.
Face à cette diminution des effectifs des médecins remplaçants, l’hôpital public doit faire face à ces défis. Quelles stratégies envisagées pour les hôpitaux du fait de la réduction des médecins intérimaires ? On y répond justement.
COMPRENDRE LA LOI RIST : DE NOMBREUX CHANGEMENTS DONT LE PLAFONNEMENT DES REVENUS DES MEDECINS INTERIMAIRES.
La récente loi Rist, promulguée le 3 avril 2023 et consignée dans le Journal officiel du 20 mai 2023, a été initiée par la députée Stéphanie Rist, marquant ainsi une étape significative dans la régulation des revenus du personnel médical temporaire.
L’objectif du gouvernement, à l’origine de cette législation, était de mettre un terme à des pratiques jugées choquantes qui persistaient depuis des années.
Concrètement, de nombreux établissements de santé dépensaient sans compter pour recruter des médecins intérimaires, dont la présence ponctuelle assurait le fonctionnement de services en l’absence de titulaires. Le problème résidait dans la capacité de ces remplaçants à négocier leurs tarifs, ce qui engendre des disparités et des dépenses excessives.
Cette loi introduit plusieurs changements significatifs dont voici les principaux :
- Elle offre aux patients un accès direct à trois professions de santé spécifiques : les infirmiers en pratique avancée (IPA), les masseurs-kinésithérapeutes (limités à huit séances par patient) et les orthophonistes. Ces professionnels exerçant à l’hôpital, en clinique, dans des établissements sociaux ou médico sociaux, ou en ville dans des structures de soins coordonnés, bénéficient de cette mesure, y compris les orthophonistes au sein d’une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) adoptant ce modèle d’accès sans prescription médicale.
- La loi élargit les compétences des IPA, des infirmiers, des assistants dentaires (avec la création d’un statut d’assistant de niveau II), des pédicures-podologues, des orthoprothésistes et des opticiens-lunetiers. Désormais, les pharmaciens peuvent renouveler jusqu’à trois fois une ordonnance expirée pour le traitement d’une pathologie chronique.
- Enfin, la loi Rist encadre strictement le recours au remplacement médical fixant un plafond de revenus à 1 390 € bruts pour 24 heures de travail des médecins intérimaires. Ce qui vise à prévenir le recours excessif à l’intérim médical.
L’IMPACT DIRECT DE LA LOI RIST SUR LES MÉDECINS INTÉRIMAIRES
Qu’est-ce qu’un médecin intérimaire au juste ? Ce sont des médecins remplaçants qui viennent remplacer des professionnels titulaires manquants dans les services des hôpitaux publics. Selon le SNMRH (Syndicat national des médecins hospitaliers remplaçants), ils sont entre 10 000 et 12 000 en France. Ce personnel prend des tours de garde, en général de 24h, pour soulager l’unité dans laquelle ils se trouvent. C’est une aide précieuse, d’autant plus dans les petits hôpitaux sujets à des pénuries de professionnels. Ainsi, certains hôpitaux les payent parfois cher pour qu’ils se déplacent et bouchent les trous dans les plannings.
De ce fait, l’intérim médical est un outil utile et nécessaire pour l’hôpital, pour les cas de tensions temporaires en ressources humaines (arrêt maladie inopinée, surcharge de travail inattendue). Il n’est pas étonnant donc de comprendre qu’ils ont pris une place grandissante notamment dans les établissements les moins attractifs, les plus isolés, et les petites structures, où chaque soignant compte.
Des effets visibles et prévisibles sur les médecins intérimaires au sein de l’hôpital public.
Cette loi implique de nombreuses difficultés, dont les premiers résultats sont déjà visibles.
- Difficulté à remplacer les médecins titulaires
L’application de la loi Rist suscite des inquiétudes quant à la capacité des établissements de santé à remplacer efficacement les médecins titulaires. Certains estiment que de nombreux praticiens déçus pourraient choisir de cesser leur exercice dans les hôpitaux, aggravant ainsi les tensions au sein d’un système de santé déjà fragilisé.
- Difficulté à maintenir certains services et possibles fermetures
Les services les plus dépendants au recours au personnel médical temporaire, tels que l’anesthésie, les urgences, la psychiatrie et la pédiatrie, pourraient être confrontés à des difficultés accrues. Le risque majeur réside dans le fait que certains praticiens décideront peut-être de ne plus exercer dans les établissements où ils intervenaient auparavant. Cette situation pourrait entraîner la fermeture de services, de blocs opératoires et même de maternités, affectant ainsi l’accessibilité et la qualité des soins dans ces domaines spécifiques.
- Les médecins intérimaires stigmatisés
Certains acteurs hospitaliers et représentants du personnel médical temporaire perçoivent la loi comme une stigmatisation injuste d’une minorité, les faisant endosser la responsabilité des problèmes structurels du système de santé. Cette vision risque d’engendrer des tensions supplémentaires entre les différents acteurs du secteur de la santé, compromettant la collaboration et la cohésion nécessaires pour relever les défis actuels.
- Risque de dégradation du système de santé
La loi Rist, bien qu’ayant pour but de réguler les abus, pourrait contribuer à une détérioration du système de santé. La possible diminution du nombre de médecins travaillant dans les hôpitaux, combinée à la fermeture de services essentiels, pourrait entraîner une perte de confiance du public dans le système de santé, aggravant ainsi la crise existante.

LOI RIST ET HÔPITAL PUBLIC : QUELLES STRATEGIES FACE A LA RÉDUCTION DES EFFECTIFS DES MÉDECINS INTÉRIMAIRES.
Cette situation, prise très au sérieux, nécessite pour l’hôpital public de vite réagir au risque de s’écrouler encore davantage. Quelles en sont les solutions à envisager ?
C’est justement le travail réalisé par l’Académie nationale de médecine qui, a proposé quelques pistes que pourraient appliquer les hôpitaux face à la réduction des effectifs des médecins intérimaires, que voici :
- Il faut que l’organisation des soins hospitaliers, en particulier d’urgence, permette, à la fois, que les hôpitaux en charge de la permanence des soins répondent aux besoins de la population et soient attractifs pour les médecins titulaires, y compris en termes de rémunération.
- Le recours aux médecins intérimaires via des agences d’intérim médical doit être envisagé uniquement comme une solution ponctuelle au risque de sensiblement fragiliser l’hôpital. L’idée serait de miser davantage sur les regroupements de services pour limiter les remplacements ponctuels via l’intérim médical.
- Le soin hospitalier doit s’appuyer en priorité sur des équipes médicales constituées et à ce que la qualité des soins demeure au centre des préoccupations des médecins, quel que soit leur statut. Les contrats proposés aux médecins intérimaires doivent imposer à ceux-ci de préparer et d’exercer leur activité dans un service, de telle manière qu’ils participent à la vie et aux démarches d’organisation de l’établissement.
Comme pour chaque loi mise en application, il faut laisser du temps raisonnable afin de voir les premiers effets. Mais, si les hôpitaux veulent espérer maintenir la continuité des services de santé tout en atténuant les défis découlant de la réduction du recours aux médecins intérimaires, des mesures doivent être mises en place.
- Partenariats avec des agences de recrutement médical
En établissant des partenariats stratégiques avec des agences de recrutement médical spécialisées pour des missions médicales intérimaires, les hôpitaux peuvent se voir offrir un accès rapide à des médecins intérimaires qualifiés. Les agences, dotées d’une expertise dans le recrutement médical temporaire, peuvent faciliter le processus de sélection et garantir la disponibilité de professionnels de la santé adéquats en cas de besoin.
- Mise en place de programmes de fidélisation
Pour contrer la diminution du recours aux personnel médical temporaire, les hôpitaux peuvent instaurer des programmes de fidélisation attractifs. Ces initiatives visent à conserver les médecins intérimaires existants en leur offrant des avantages tels que des opportunités de formation continue, des horaires flexibles, et des perspectives de développement professionnel. La création d’un environnement favorable à l’épanouissement professionnel peut inciter les médecins intérimaires à rester attachés à l’établissement de santé.
- Miser sur des conditions de travail attractives
Améliorer les conditions de travail pour rendre l’hôpital plus attrayant pour les médecins, qu’ils soient intérimaires ou titulaires est essentiel. On peut penser à des charges de travail plus équilibrées, des dispositifs de soutien professionnel ou encore la création d’un environnement propice à la collaboration interdisciplinaire. Des conditions de travail positives peuvent non seulement retenir les médecins existants, mais aussi attirer de nouveaux professionnels de la santé.
- Investissement dans la formation interne
Pour atténuer le besoin de médecins temporaires, les hôpitaux peuvent investir dans des programmes de formation interne pour développer les compétences de leur personnel existant. Cela peut inclure des initiatives visant à former des spécialistes internes capables de remplir des fonctions clés, réduisant ainsi la dépendance à l’égard du recours aux médecins intérimaires.
Team MindRH.